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NAPOLEONS LAATSTE LEVENSJAREN
efflanqués, et, s’ils se rengraissaient, redevenaient tout suif. Comme compensation unique, le porc, produit de 1’élevage indigène, se trouvait excellent.
La volaille restait médiocre, malgré tous les soins. Un essai de basse-cour, qu’on fit a Longwood, ne donna jamais que de maigres poulets, de maigres dindonneaux et de maigres oies.
Bien que les cötes de Sainte-Hélène soient poissonneuses, on n’y pêchait guère que le maquereau. De temps a temps seule-ment paraissaient sur la table de 1’Empereur un genre de daurade assez bon, qui s’appelait bizarrement vieille femme, une sorte d’éperlan, un dauphin dont la saveur se rapproche de celle du saumon, et un gros crustacé de quelque ressemblance, pour le goüt, avec le homard.
Les légumes verts, choux, choux-fleurs, salades, haricots et pois nouveaux, constituaient une rareté. Les légumes secs dataient quelque fois de deux ou trois ans. Les pommes de terre étaient médiocres.
L’ile ne produisait ni poires, ni pommes, ni cerises, ni prunes, ni fraises. Les oranges y fleurissaient magnifiquement, mais, en raison de 1’inconstance de la température et sauf a deux ou trois endroits de situation privilégiée, comme Plantation, mürissaient mal. Le citron réussissait un peu mieux; la vigne donnait un gros raisin, les abricotiers un abricot dur, les pêchers une mau-vaise petite pêche jaune. Au total, des figues, des mangues et des bananes étaient les seuls fruits passables. Avec les bananes, macérées dans du rhum, Chandelier confectionnait des beignets. On se procurait difficilement du bon pain a Longwood . . . un jour 1’Empereur déclare que le biscuit de soldat sera meilleur, et commande d’en acheter. C’est que la farine en usage a Sainte-Hélène venait ou bien d’Europe, échauffée par trois mois au moins de séjour a bord des navires et le passage de la ligne, ou bien du Cap de Bonne-Espérance, assez proche, mais oü 1’on employait pour broyer le blé des meules en pierre tendre, qui mélangeaient a la mouture une poudre de sable. Aussi arrivait-il souvent que les patisseries servies sur la table de 1’Empereur avaient goüt de poussière et croquaient sous la dent. Souvent encore, elles sentaient le rance, Chandelier n’ay-ant guère a sa disposition que du beurre salé, qu’il devait laver a plusieurs eaux, pressurer et faire égoutter. Comme le macaroni et le parmesan, les légumes secs et la généralité des conserves, ce beurre restait trop longtemps, vieillissait dans les maga-